avoir 20 ans au Caire

Saturday, November 12, 2005

Le Caire est une boîte à musique infernale, gigantesque.
Jamais un moment de répis, jamais une pause dans une partition sans fin, celle d'un compositeur obscur et fou. Un compositeur qui a voulu mêler les sonorités des klaxons à la voix du muezzin. Une phrase musicale s'achève sur le cri d'un petit enfant de moins de 5 ans qui vend ses kleenex et celui de l'homme qui propose des minutes de portable à 75 piastres, étrange duo. Juste le temps de prendre une brève inspiration et le thème continue, deux hommes sont descendus de leur voiture et se disputent pour savoir lequel des deux a respecté un code de la route inexistant. Le choeur des policiers prend le dessus, leurs sifflements règlent la circulation, et le cireur de chaussures frappe le dos de sa brosse sur une caisse en bois pour attirer les pieds salis par la pollution et les déchets du trottoir. Puis la mélodie avance au moment où un taxi accélère, une musique aigüe et enjouée accompagnant les changements de vitesse de la vieille Peugeot noire et blanche. Viennent alors les accords joués par les sabots de l'âne sur le goudron, la charette transporte des légumes. Comment ignorer ces voix d'hommes qui lancent des "compliments" à une occidentale qui essaie du mieux qu'elle peut de se faire a plus petite? Le thème principal est repris par une vieille radio stéréo, dans le coin d 'un café cinquantenaire, qui fait tourner des vieilles chansons d' Oum Kalthoum et d' Abd el Halim Hafez. Puis c'est un portable qui sonne, et deux, trois, quatre, cinq, alors que des poulets piaillent dans le souq de Bab el Louq. Deux vendeurs de pain ambulants, par touches successives, enrichissent le motif musical avec les rytrhmes saccadés de leur rire gras à la fin d'une nokta, blague dont seuls les égyptiens ont le secret et à qui ils doivent une certaine renommée dans tout le monde arabe. L' interminable glouglou des chichas crée un fond musical avec le bruit des dés lancés sur les parois du jeu de tric-trac.
Les musiciens cherchent du regard un chef absent, même pas virtuel. Les violentes pulsations d'une musique électro d'un club de jazz apportent de nouvelles sonorités. La dernière prière de la nuit retentit, une nouvelle journée commence, rien ne s'arrête. Motif, menuet, mouvement, symphonie, impossible à lire, impossible à comprendre, impossible à interpréter simplement à jouer comme ça, juste pour le plaisir.

3 Comments:

  • bravo et merci pour ces belles phrases.continues à nous faire rêver.

    By Anonymous Anonymous, at 10:43 pm  

  • continue sans "s", toutes mes excuses.

    By Anonymous Anonymous, at 10:44 pm  

  • Le Caire est un rêve éveillé que tu nous fait chaque jour un peu plus partager. Tu as tant de choses à vivre. Comme les pages cultures de Libé. Trop de vie, trop vite.

    By Anonymous Anonymous, at 10:52 pm  

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