avoir 20 ans au Caire

Wednesday, June 14, 2006

joe le taxi

joe le taxi, il m'emmène partout. il suffit de lui demander, à travers la vitre passager avant, in chah allah il m'emmènera en cours, à Mohandessine, au Khan, à l'aéroport, partout. le Coran tient lieu de plan et de carte routière. je le soupçonne de dalmatie quand il ne s'arrête pas au feu rouge, mais mon diagnostic s'avère faux lorsqu'il ne s'arrête pas non plus au vert. joe le taxi m' explique qu'il s'arrête parfois au vert de peur qu' un collègue ne s'arrête pas au rouge au carrefour, et il se retourne, me regarde et éclate de rire.
joe le taxi, regarde devant toi.
joe le taxi ne peut s'empêcher de klaxonner, tout le temps. surtout quand il croise un passant et qu'il est sans passager, même si le passant marche à sens inverse. quand je joue le rôle du passant, il klaxonne, s'arrête et me demande "taxi?".
joe le taxi n'a pas peur de la police et accepte de prendre quatre ou cinq passagers sur sa banquette arrière. il n'a pas peur non plus de me demander dix fois le prix de la course affichant son plus beau sourire. c'est quitte ou double, je quitte après avoir excercé mon pouvoir de discussion en arabe. je me rappelle au début quand je sortais, lui donnais l'argent de l'extérieur et marchais, retournée, de peur qu'il ne me poursuive pour quelques guinées supplémentaires.
joe le taxi ne connaît pas toujours la destination demandée, mais ne le montre jamais, alors il demande à ses confrères, aux policiers, à qui il peut et le voyage se transforme en une course d'orientation à travers les passants qui traversent n'importe comment et qu'il faut éviter, les embouteillages interminables, les petites filles qui vendent du jasmin.
joe le taxi est partout, il aime se changer. Il porte du noir au Caire, du jaune à Alexandrie, du orange à Ismaïlia, du bleu et blanc à Port-Saïd, du blanc dans le sud. parfois il faut le reconnaître dans un pick up collectif, à Dahab, ou dans une charette tirée par un âne et conduite par une petit garçon de 5 ans, à Siwa.
il arrive que joe le taxi veuille faire connaissance, et me demande si je suis marriée, musulmane, si j'aime les juifs , Bush et Moubarak, il finit toujours par me donner sa carte ou son numéro de portable au cas où j'aurai envie d'aller aux Pyramides.
joe le taxi aime la musique, le Coran ou Nancy Ajram, au choix, et la lambada quand il fait marche arrière et qui se déclenche automatiquement. joe le taxi n'allume jamais ses phares pour économiser la batterie et fait la collection des compteurs hors d'usage de plus de cinquante ans arrivés ici on ne sait comment venus de partout: de Chine, d'Inde, du Japon, de France, d'Allemagne, d'Indonésie...
joe le taxi me propose une cléopatra, cigarette égytpienne beaucoup trop forte pour moi que je refuse toujours poliment. joe le taxi aime le foot et supporte la France pour la Coupe du Monde. joe le taxi me fait remarquer que je sens l'alcool ou la fumée quand je sors de boîte après la première prière de la journée.
dans l froideur du métro parisien, joe le taxi va me manquer.

Monday, June 12, 2006

des mots en prison

moi qui pensait qu' écrire était un devoir, je n'aurai pas dû oublier que pour d'autres ce n'est pas encore un droit.
le syndicat des journalistes a organisé une soirée où tous étaient là, au moins ceux de l'opposition ,Rose Youssef, Al ghad, Al fagr, Al doustour, des indépendants, des intellectuels. tous ont fait acte de présence pour assister à un film des manifestations des mois derniers. certains ont pleuré on voyant cette fille allongée sur le trottoir se faire frapper à coups de matraque par cinq policiers, d'autres ont hurlé on voyant ces hommes en civils se battre avec un jeune manifestant, d'autres encore ont ri en voyant des dizaines de cars de CRS portant des armes vieilles de l'Union Soviétique, face aux manifestants armés de pancartes et de hauts parleurs. les mots effrairaient-ils les fusils?
cette éternelle question a trouvé son éternelle réponse. une fois de plus le pouvoir des mots a été victime, et 20 bloggeurs egyptiens sont actuellement en prison pour avoir tenu des propos anti-gouvernementaux. le blog offre une chance à chacun de s'exprimer, mais la censure est présente, trop présente. et la chance de s'exprimer, celle que l 'egyptiens n'ont pas eu ni à l'école, ni dans la rue, s'envole en même temps que les espoirs et les rêves de démocratie. ils parlent encore de ce mois de mai 2005 lorsqu'ils demandaient la suppression de l'article 76 de la constitution. ils ont eu leurs élections démocratiques, les premières depuis longtemps, mais elles étaient truquées et les manifestations d'une violence sans précédents où les CRS frappaient des femmes pour la première fois.
ils parleront de ce moi de mai 2006, rythmé par la valse des manifestations et des enfermement, ce mois de mai 2006, où une fois de plus, les mots ont retrouvé leur place dans des cellules sombres et humides, celles de l'obscurantisme.