le festival international du film du caire a été ouvert le 29 novembre. pendant près de 10 jours, les salles de cinéma accueillent des films français, hollandais, chinois, iraquiens, libanais, egyptiens, et autres. les affiches sont sur tous les réverbères, et les programmes ne se distribuent que dans les lieux fréquentés pas les élites culturelles.
pour inaugurer mon festival, j'ai bien sûr choisi un film libanais, à l'ombre de la ville, zill el madine. le film était joué cet après-midi dans un cinéma de quartier. au moment où je suis montée dans le taxi, annonçant la destination, je ne me doutais pas encore de l'expérience qui m'attendait. j'aurai pu pourtant, être interpellée par l'insistance du chauffeur lorsqu'il m'a demandée si je connaissais le lieu, si j' étais une "femme du festival", si j'étais venue au caire spécialement pour l'évènement. en effet, il s'est avéré, qu'une fois de plus, j'étais une étrangère, complètement seule, perdue dans une foule qui me dévisage, d'être comme la première partie du spectacle.
les portes du cinéma ne sont pas ouvertes, j'attends parmi une population exclusivement masculine quand je sens une petite tape dans mon dos. deux filles voilées me demandent ce que je fais là. devant un cinéma, dans une file-foule d'attente, la réponse me semble claire.
au moment où les portes s'ouvrent, les hommes se bousculent, de peur que la séance ne commence sans eux, ou tout simplement pour le plaisir de rentrer avant son voisin. là, les hommes essaient de me faire passer, je ne suis ni une femme enceinte, ni une handicapée, mais je mérite les mêmes intentions, comme si j'étais plus faible. le même genre d'attention que celles que j'avais vécue dans le wagon pour femmes du métro, ce même sentiment d'être non seulement différente mais aussi moins forte.
dix hommes essaient ensuite de m'indiquer la salle, j'arrive dans le couloir, il faut encore attendre, se bouscluer pour atteindre l'ouvreur qui indique la place réservée. la salle n'est pas éclairée, les numéros ne sont pas inscrits sur les sièges, trouver sa place relève du défi. alors une dispute éclate entre deux hommes qui se battent pour le même siège jusqu'au moment où l'ouvreur intervient et crie plus fort que les deux réunis.
le film commence, je me détends, la musicalité du dialecte libanais me font oublier tout ce qui a précédé. mais le vacarme de la ville semble m'avoir suivie, les commentaires forts, les rires, les réflexions, même dans une salle de cinéma, le bruit est incessant.
au mileu du film, la bande est endommagée, l'image est coupée en deux et les décibels multipliés par deux dans la salle jusqu'au moment où le tourneur ( peut-être endormi) répare la panne. ainsi, le film touche à sa fin, avant même le générique, la moitié des spectateurs ont quitté leur sièges.
je prends ensuite un autre taxi pour rejoindre des amis pour une autre séance au luxueux Grand Hayatt. le taxi me transporte dans un autre monde, sur une autre planète. la salle de cinéma est au 8ème étage, on traverse la galerie commerciale luxueuse et occidentale par des ascenseurs transparents. le prix du billet est quatre fois plus cher, la salle est trop climatisée, et sent la moquette fraiche, épaisse et propre. le film est français, les poupées russes de klapisch est succulant. en rentrant à pieds par la Corniche du Nil, nous nous faisons suivre par des petits vendeurs de kleenex, des enfants qui mendient pour leurs parents. nous sortons d'un hôtel de luxe, les questions sur l'amour posées par le film semblent bien loin.
j'aurai aimé m'arrêter avec l'un de ces petits enfants, lui raconter le film lui offrir une séance privée, en direct.
malheureusement, ces enfants ne franchiront jamais les portes d'aucun de ces hôtels luxueux installés sur les rives du Nil.
malheureusement, jamais non plus il n'auront la chance d'aller à une séance et d'embêter une voisine étrangère. je comprends alors qu'il ne faut pas s'arrêter sur toutes les imperfections de la première séance, mais s'efforcer de penser que finalement, elle a le mérite d'exister cette séance. la réflexion, le rêve, l'émotion, le voyage ont été permis. le temps d'un film, les fenêtres de la connaissance se sont ouvertes à des personnes qui vivent dans un monde trop sombre, un monde qui a besoin de lumière, entre autres des rayons de la culture.